Grèce: élections anticipées le 6 mai dans un pays plus divisé que jamaishttp://www.liberation.fr/depeches/2012/04/12/grece-elections-legislatives-anticipees-le-6-mai_810973Sans cesse reportée depuis plusieurs semaines, l'annonce de la date des élections, le 6 mai comme attendu, a finalement été rendue publique mercredi par le Premier ministre Lucas Papademos lors d'une réunion du conseil des ministres avant d'aller soumettre cette proposition au chef de l'Etat Carolos Papoulias.
"Les choix que nous allons faire (lors de ces élections) vont définir l'avenir du pays pour les prochaines décennies", a indiqué M. Papademos dans un message télévisé adressé à la nation mercredi soir.
A la tête depuis novembre 2011 d'un gouvernement de coalition auquel participent les deux grands partis du pays, Pasok (socialiste) et Nouvelle-Démocratie (ND, droite), M. Papademos a souhaité que les Grecs "choisissent la voie qui assure sa position dans l'Union européenne et la zone euro, la voie de l'assainissement de l'économie du pays et des réformes structurelles".
Après deux ans d'austérité pour faire face à la crise, la Grèce devrait connaître en 2012 sa cinquième année de récession consécutive alors que le taux de chômage dépasse les 21%.
Le compte à rebours pour la tenue d'élections anticipées avait commencé en mars après l'effacement de 105 milliards d'euros de la dette détenue par les créanciers privés de la Grèce et l'approbation d'un deuxième prêt international accordé au pays.
M. Papademos, 64 ans, ancien vice-président de la Banque centrale européenne, a joué un rôle-clé dans ces négociations délicates.
"Les grands objectifs de ce gouvernement ont été atteints (...), nous avons évité le risque imminent de la faillite et nous avons créé les meilleures conditions pour la poursuite de cet effort", a jugé M. Papademos mercredi.
"Le nouveau gouvernement doit continuer cet effort pour la reconstruction de l'économie", a-t-il ajouté.
L'organisation des législatives, qui devaient normalement avoir lieu en 2013, était réclamée par le leader de la Nouvelle Démocratie Antonis Samaras depuis la démission en novembre 2011 de l'ancien Premier ministre socialiste Georges Papandréou après son projet avorté de référendum sur la rigueur imposée au pays pour répondre aux exigences des créanciers UE et FMI.
Fervent opposant, jusqu'en novembre, des mesures de rigueur, la ND a su capitaliser sur la perte de popularité du Pasok, large vainqueur des législatives d'octobre 2009.
Toutefois, sa participation au gouvernement de M. Papademos et son approbation d'un nouveau plan de rigueur voté le 12 février a freiné sa montée.
S'ils arrivent toujours en tête des sondages, les conservateurs ne rassemblent, selon les enquêtes, qu'entre 13% à 20% des intentions de vote, ce qui ne leur permettrait pas de constituer seuls la majorité gouvernementale et leur imposerait de s'allier au Pasok, crédité de 10% à 15%, voire à d'autres petits partis.
"Par rapport aux élections de 2009, les deux principaux partis, Pasok et ND, ont perdu environ 35% de leur électorat --25% et 10% respectivement-- au profit des partis de gauche et les petits partis rassemblant les dissidents de la droite", a indiqué à l'AFP Thomas Gérakis, dirigeant de l'institut de sondage Marc.
Les trois partis de gauche -les communistes du KKE, la gauche radicale Syriza, et la gauche démocratique (Dimar)- affichent chacun entre 8 et 10% des intentions de vote. Un score que pourrait atteindre, selon les sondages, le tout nouveau parti "Grecs indépendants", opposé aux plans de rigueur, créé par un dissident de la ND.Quatre petits partis, dont deux d'extrême droite, sont donnés autour des 3%, seuil pour entrer au parlement.
Cette dispersion des forces, divisées entre celles qui sont favorables au plan UE-FMI de rigueur et les opposants à l'austérité, illustre "l'éclatement du paysage politique traditionnel, dominé pendant quarante ans par l'alternance entre la ND et le Pasok", souligne M. Gerakis.
Cette situation politique instable inquiète les dirigeants internationaux alors que la Grèce est loin d'être sortie de l'ornière.
Pour M. Gérakis, "ces élections sont difficiles et cruciales pour l'avenir et inaugurent une nouvelle période, la plus importante depuis 1974", année du retour de la démocratie après sept ans de dictature.